DIEU EST LEGER COMME LE RIRE D'UN CLOWN

PETITES CONTES DROLEMENTS SPIRITUELS
Dieu porte un nez de clown
Dieu est amour
La création du monde

PELEGRINAGE D'UN CLOWN
Le cirque Manivelle

LE VRAI SAMOURAÏ
Pourquoi du comment du vrai samourai
Les grandes decisions
Rencontre avec le vrai samouraï
Définition du vrai samouraï vrai de vrai

LE ZEN DU CLOWN
Introduction
Historique
La recherche de l'infini
Le zen de l'électricité

DIEU EST LEGER COMME LE RIRE D'UN CLOWN

Nous vivons un époque dorée où les guerres ont la couleur soft de spots publicitaires tandis que la terre est transformée en sushi sur l'établi du commerce mondiale.
Les arbres, les océans, l'air, les idées, les âmes mêmes, depuis longtemps ne sourient-ils pas aux clients, clos dans leur bac de plastique et rangés en bon ordre?
Il est bien normal, en ce cas que le nom du tres Haut soit retiré de son écrin d'infini pour être dénudé, pesé et ensaché dans une emballage attrayant et infiniment petit.
Dieu aujourd'hui est un produit gazeux, gouleyant, extensible à volonté qu'on utilise facilement pour tous les plats bas de gamme comme il est écrit sur la confection. Il recouvre de son nappé généreux des choses au goût pas toujours catholique qui ont la forme de beefsteaks lavables et plastifiés. Dieu c'est comme du ketchup dans la cuisine ordinaire : ça fait passer ce qui normalement ne devrait jamais passer.
Dieu ça se sert avec un bon sourire.
Et ça ne proteste jamais Dieu. Non, Dieu n'est pas protestant.
Aucun bureau des réclamations ne l'a jamais vu ce gars-là, le chapeau à la main levé e petit doigt, timidement, en disant : " excusez-moi il y a erreur sur le produit. On parle de Dieu chez vous mais ce n'est pas de moi qu'il s'agit. Dieu c'est moi ! " La réceptionniste l'aurait vite liquidé en disant :
" il est fou celui-là ! " Puis après avoir posé la petite bouteille de vernis à ongle sur son bureau laqué, elle aurait ajouté d'un ton agacé : " si Dieu n'est pas Dieu, qui est Dieu ?! " avant d'appeler les flics et de te mettre tout ça dehors, auréole et chapeau compris.
Les textes sacrés, qui ne sont pas sacrés pour des prunes, ont souligné l'importance de ne pas nommer ce que l'on ne peut nommer. " Tu ne prononceras pas en vain le nom du Seigneur " précisaient-il sur le bord de leur boite à sagesse. Peut être ont-ils dit ça pour éviter que quelque petit malin ne retire l'étiquette et ne l'utilise pour vendre sa propre camelote.
Ils voyaient loin les textes sacrés car c'est bien ce qui s'est passé : pour faire une petite guerre en paix tous les stratèges ajoutent sur l'angle de leur déclaration de guerre : " Dieu est avec moi ! "
Ce ne serait pas sérieux d'admettre qu'on fasse la guerre parce qu'on est mal gratté par nature ou tout simplement parce qu'on veut manger la soupe des copains et qu'il n'est pas question d'en laisser une louche dans la marmite pour ceux qui n'en ont pas - jetons le reste sur la tête des voisins, c'est beaucoup plus rigolo et si quelqu'un n'est pas content paf c'est la guerre.
Dans toutes les religions il y a toujours eu quelques sages qui ont essayé de réduire les dégâts : " si tu vois le Bouddha tue-le. " dit un texte orientale. Maître Eckart, le célèbre philosophe allemand reprend mot pour mot les mêmes paroles mais en sauce chrétienne : " si tu vois Dieu tue- le. " Que de tuerie ! Mais c'est pour rire bien sur, il s'agit de tuer l'idée de la chose.
Et la chose, c'est à dire Dieu, libérée du poids des pensées humaines, retourne enfin, gambader infiniment dans les grandes prairies célestes. Les musulmans refusent de dessiner le visage d'Allah, pour la même raison : ne mettez pas vos paluches sur le grand Mystère !
Ils n'ont pas tort mais la prudence des sages n'a servi à rien et de l'ouest à l'est c'est à qui tirera la couverture à soi et lyophilisera en premier l'infini. On le sait Dieu est devenu un produit frelaté de la pensée humaine et sert d'after shave pour couvrir des faces patibulaires.
Les tibétains qui voient les choses de haut proposent de prendre le problème à la racine et la racine c'est la pensée justement, et son conditionnement comme diraient les fabricants de bouteilles en plastique.
Car tout est là : pour trouver Dieu il faut se débarrasser de tout ce qu'il y autour et ce qui restera c'est lui. Normalement. L'opération paradoxale et impossible consiste à proposer de retirer méthodiquement le papier peint du mur avec une petite spatule en forme d'exercice méditatif pour se rendre compte à la fin, qu'il n'y a rien derrière le mur. Il n'y a pas de mur d'ailleurs, ni de papier peint, ni de spatule. Rien que le ciel étoilé.
Normalement bien sur. Car cette bonne idée rate souvent justement parce que c'est une bonne idée. Le défaut des bonnes idées c'est que les mauvaises idées n'ont font qu'une bouchée. Les idées n'ont pas d'idées intelligentes, en vérité : ce sont des boursouflures de la pensée. Il est difficile d'ouvrir une fenêtre dans la pensée humaine, pour aérer tout ça, les fenêtres ne sont pas prévues par le fabricant.
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PETITES CONTES DROLEMENTS SPIRITUELS


Dieu porte un nez de clown

Nous vivons un époque dorée où les guerres ont la couleur soft de spots publicitaires tandis que la terre est transformée en sushi sur l'établi du commerce mondiale.
Les arbres, les océans, l'air, les idées, les âmes mêmes, depuis longtemps ne sourient-ils pas aux clients, clos dans leur bac de plastique et rangés en bon ordre ?
Il est bien normal, en ce cas que le nom du tres Haut soit retiré de son écrin d'infini pour être dénudé, pesé et ensaché dans une emballage attrayant et infiniment petit.
Dieu aujourd'hui est un produit gazeux, gouleyant, extensible à volonté qu'on utilise facilement pour tous les plats bas de gamme comme il est écrit sur la confection. Il recouvre de son nappé généreux des choses au goût pas toujours catholique qui ont la forme de beefsteaks lavables et plastifiés. Dieu c'est comme du ketchup dans la cuisine ordinaire : ça fait passer ce qui normalement ne devrait jamais passer.
Dieu ça se sert avec un bon sourire.
Et ça ne proteste jamais Dieu. Non, Dieu n'est pas protestant.
Aucun bureau des réclamations ne l'a jamais vu ce gars-là, le chapeau à la main levé le petit doigt, timidement, en disant : " excusez-moi il y a erreur sur le produit. On parle de Dieu chez vous mais ce n'est pas de moi qu'il s'agit. Dieu c'est moi ! " La réceptionniste l'aurait vite liquidé en disant :
" il est fou celui-là ! " Puis après avoir posé la petite bouteille de vernis à ongle sur son bureau laqué, elle aurait ajouté d'un ton agacé : " si Dieu n'est pas Dieu, qui est Dieu ?! " avant d'appeler les flics et de te mettre tout ça dehors, auréole et chapeau compris.
Les textes sacrés, qui ne sont pas sacrés pour des prunes, ont souligné l'importance de ne pas nommer ce que l'on ne peut nommer. " Tu ne prononceras pas en vain le nom du Seigneur " précisaient-il sur le bord de leur boite à sagesse. Peut être ont-ils dit ça pour éviter que quelque petit malin ne retire l'étiquette et ne l'utilise pour vendre sa propre camelote. Ils voyaient loin les textes sacrés car c'est bien ce qui s'est passé : pour faire une petite guerre en paix tous les stratèges ajoutent sur l'angle de leur déclaration de guerre : " Dieu est avec moi ! "
Ce ne serait pas sérieux d'admettre qu'on fasse la guerre parce qu'on est mal gratté par nature ou tout simplement parce qu'on veut manger la soupe des copains et qu'il n'est pas question d'en laisser une louche dans la marmite pour ceux qui n'en ont pas - jetons le reste sur la tête des voisins, c'est beaucoup plus rigolo et si quelqu'un n'est pas content paf c'est la guerre. Dans toutes les religions il y a toujours eu quelques sages qui ont essayé de réduire les dégâts : " si tu vois le Bouddha tue-le. " dit un texte orientale. Maître Eckart, le célèbre philosophe allemand reprend mot pour mot les mêmes paroles mais en sauce chrétienne : " si tu vois Dieu tue- le. " Que de tuerie ! Mais c'est pour rire bien sur, il s'agit de tuer l'idée de la chose.
Et la chose, c'est à dire Dieu, libérée du poids des pensées humaines, retourne enfin, gambader infiniment dans les grandes prairies célestes.
Les musulmans refusent de dessiner le visage d'Allah, pour la même raison : ne mettez pas vos paluches sur le grand Mystère !
Ils n'ont pas tort mais la prudence des sages n'a servi à rien et de l'ouest à l'est c'est à qui tirera la couverture à soi et lyophilisera en premier l'infini. On le sait Dieu est devenu un produit frelaté de la pensée humaine et sert d'after shave pour couvrir des faces patibulaires.
Les tibétains qui voient les choses de haut proposent de prendre le problème à la racine et la racine c'est la pensée justement, et son conditionnement comme diraient les fabricants de bouteilles en plastique.
Car tout est là : pour trouver Dieu il faut se débarrasser de tout ce qu'il y autour et ce qui restera c'est lui. Normalement. L'opération paradoxale et impossible consiste à proposer de retirer méthodiquement le papier peint du mur avec une petite spatule en forme d'exercice méditatif pour se rendre compte à la fin, qu'il n'y a rien derrière le mur. Il n'y a pas de mur d'ailleurs, ni de papier peint, ni de spatule. Rien que le ciel étoilé. Normalement bien sur. Car cette bonne idée rate souvent justement parce que c'est une bonne idée. Le défaut des bonnes idées c'est que les mauvaises idées n'ont font qu'une bouchée. Les idées n'ont pas d'idées intelligentes, en vérité : ce sont des boursouflures de la pensée. Il est difficile d'ouvrir une fenêtre dans la pensée humaine, pour aérer tout ça, les fenêtres ne sont pas prévues par le fabricant. Il convient alors, pour dérouter l'adversaire, de jouer les hommes invisibles, comme au ciné, pour traverser le mur et se retrouver de l'autre coté, le coté jardin qui est dépourvu de coté, lui. Ce subterfuge est un jeu d'enfants. En effet seulement les enfants et les innocents peuvent le comprendre.
Voilà pourquoi je crois ( crois-je ou point-je ne crois-je ?) que Dieu, quand il pousse la porte de son petit burlingue vers sept heures du matin, se gratte un instant la tête, perplexe avant d'enfiler sa chemisette blanche à carreaux et son immanquable petit nez rouge. " Cela en vaut-il le coup ? " se dit-il. Et pendant qu'il rabote les erreurs humaines en fronçant les sourcils, sa petite raclette laisse s'envoler derrière elle des copeaux de bois de santal qui en riant descendent lentement jusqu'à terre et ont la forme ronde d'une histoire zen et l'humour des clowns.
Le rire est une brindille de sagesse et Dieu a un parfum de nougatine.
Moi j'aime Dieu et j'aime les nougats.
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Dieu est amour
J'allais régulièrement à l'église durant mon enfance et toujours, tandis que agenouillé sous la voûte, j'écoutais le sermon, je m'étonnais de la complication du langage chrétien : Dieu est Amour disait une voix qui se démultipliait contre les hauts murs et laissait chacun devant un énorme labeur à accomplir. Trouver l'Amour n'était pas facile mais résoudre le problème en multipliant les taches - et Dieu n'est pas une petite tache - c'était mettre les bœufs sur la charrue et laisser au fidèle le soin de tirer le convoi. L'Amour d'abord comment était-il ? carré, rond, empaqueté, suave ou algébrique ? Rasait-il les murs gratis en souriant ? Où se cachait-il ? Sur le tabernacle, sous le pupitre à faire le pitre ou tout simplement derriere la silhouette blonde de la petite amie d'enfance juste devant soi ? Non, il ne pouvait en avoir les contours aimables, sinon on aurait parler de fete. Il n'avait sans doute rien à voir avec les choses humaines, sinon nous serions venus à la messe en maillot de bain. l'Amour, le vrai, aimait les basses températures, les neiges et les sommets où s'accrochent les gargouilles.
C'etait donc vers le haut qu'il fallait chercher et en levant le nez on trouvait la parole " Dieu " comme un papillon jaune coincé entre deux vitraux, encerclé par l'écho qui répétait en somnolent : dieuetamouretamouretamour… Et merveille de merveille les deux mots se fondaient, brûlaient et calcinés se transformaient en une longue toile d'araignée qui se mélangeait dans la lumière du matin et s'enlisait dans les cheveux blonds de la petite amie d'en face. Fallait-il de nouveau chercher en bas ce dieuetamour qui peut etre attendait assis juste devant soi et semblait si aimable ? Ou vers le haut, les voûtes, l'écho et les papillons ? La sagesse commandait de braquer un œil vers les hauteurs et river l'autre vers le bas. Il en résultait des problèmes de strabismes divergents et afin de réduire les dépenses de l'oculiste il convenait, comme en mathématique, d'exclure une des données du problème : excluons l'amour car il était fait d'encens et d'ombre et cherchons le soleil, Dieu. Le reste arriverait tout seul. Mais Dieu c'était quoi ? Le chercher c'était dur mais le trouver c'était encore pire.
Alors au beau milieu d'un chant Grégorien - grâce à la beauté du chant peut etre - la solution se présentait d'elle même confuse et charnelle en même temps sous le prétexte d'une petite envie très urgente. En quittant l'église précipitamment, les jambes serrés et le cœur battant on aura croisé dehors un type étrange, accoudé à une pierre, une auréole vissée sur la tête, fumant un vieux cigare. Tiens... décidemment, comme James Bond, Lui il est toujours là où on ne l'attend pas.

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La création du monde
Il était huit heures et des poussières d'étoiles quand Dieu traversa à la nage la voie lactée. Il s'essuya avec un petit nuage couleur crème et dit: " bon ". Car chez lui les petites choses avaient valeur d' infini.
Il se fit un petit frichti, but une petite lichté et répeta : " bon " car c'était bien bon. Et en plus c'était le moment d'aller bosser.
Il ramassa une petite scie égoïne qui traînait par terre, un clou rouillé et s'assit sur une chaise pour réfléchir.
Puis il dit : " bon " car il était midi donc pause.
Dieu se fit une petite omelette à la ciboulette, ouvrit une mouette aux Chandons et ça ira comme ça, repos. Vers cinq heures, l'air frais avait un goût de vanille.
Ah ! comme il était drôle de monter et descendre les arbres à la recherche des pommes du Paradis ! Tout ça nous porta jusqu'à l'heure de l'apero. Donc apéro.
Saint Pierre arriva pour le dessert avec le dessert forcement.
- Bon, dit Dieu car ce n'était pas mauvais du tout ce petite coulis à la framboise. C'est ainsi que passa le premier jour de la création.
Les autres furent du pareil au même.
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PELEGRINAGE D'UN CLOWN

Le cirque Manivelle

En quittant la maison je pris soin de cacher la clef sous la queue du chat après avoir semé la maison de petits billets pour Lulu :
" je t'aime, " " pour toujours, " " c'est pour la vie, " de couleur rose bleu et vert car elle avait besoin de se sentir aimée. Si les billets étaient rare c'était signe d'orage. J'en griffonnais quelques uns que je dispersais autour de moi, signe de beau temps. Lulu travaillait au cirque comme danseuse de charme et acrobate, et durant ses heures perdues, pratiquait la recherche du kri yoga et du dixième chakra en suivant les ormes du maître chinois d'origine napolitaine : Julio ka mas sutra. Il en résultait chez elle une certaine désinvolture dans la gestion de son espace intérieur qui lui faisait dire : " aujourd'hui je me sens légère comme une plume ", signe de brise. Je devais dans ce cas là me précipiter pour fermer la fenêtre, afin d'éviter qu'elle ne s'envole. Les objets de la maison, les robes, les chaises ou ses colliers de perles formaient après son passage comme une houle colorée qui s'étalait en tout sens sur le tapis. Et lorsqu'elle répétait un pas de danse, mille pecadilles se soulevaient autour d'elle, deux assiettes, trois foulards, une montre, le téléphone, avant de retomber doucement sur le sol. Nous vivions dans le respect de la meterologie, en suivant les maelströms et les zones de hautes pressions de ses sentiments. Voilà qui mettait à dur épreuve qui comme moi, cherchait à mettre un peu d'ordre dans sa vie et commençait en rangeant consciencieusement la cuillère à café.

L'horloge de l'Eglise sonnait huit heures précises, je sortis en courant. Le soir tombait comme un ivrogne, dans un coin gluant du ciel, j'étais en retard. Au loin j'aperçus la grande tente bleutée du cirque qui s'élevait comme une mongolfière, ronde et généreuse comme un gros sein avec une étoile d'argent sur la pointe rose. Mes études d'astrologie m'avaient habitué aux symboles et après quelques calculs j'en conclus que les spectacles étaient nés sous le signe du cancer - le cirque - ascendant sagittaire, à cause des voyages bien sur. La planète Neptune régnait au milieu du ciel, à trois degré de la lune, ce qui expliquait sans doute pourquoi, de temps en temps, quand le vent soufflait trop fort, toute la tente s'envolait, au beau milieu d'une représentation, avec son lot d'artistes et d'animaux magiques, comme une Arche de Noé surréaliste, pour ne reparaître que quelques heures plus tard au milieu d'un champ, d'une usine, ou d'un match de football. Le public assis sur sa chaise regardait les étoiles, étonné en se demandant où était passé le chapiteau. Le directeur accourait affolé, et pour sauver la mise, riait d'un rire aigu en s'exclamant : " encore un beau tour savamment calculé par nos merveilleux artistes ! " Tout le monde applaudissait, c'était un triomphe. Les journaux affichaient : " un art décoiffant ! " A la fin de la soirée, le patron regroupait sa troupe dispersée et retrouvait son humeur habituelle :
" Vous n'aurez pas un centime aujourd'hui !" rugissait-il. " Ca vous apprendra à mieux planter les piquets, la prochaine fois ! " En entendant ses hurlements, les lions végétariens, terrorisés, se cachaient sous une botte de paille, ou sautaient dans les bras du dompteur.
Ce soir là, la brise était légère, la tente bien plantée au sol et le spectacle déjà commencé. Les lumières des projecteurs encerclaient le prestidigitateur qui avait choisi un petit garçon au milieu du public et s'apprêtait à le faire rentrer dans son chapeau pour le transformer en colombe. Je calculais mentalement que le spectacle avait débuté depuis 13 minutes. J'avais juste le temps de changer de vêtement, d'enfiler mes chaussures kilométriques, mes bretelles sauteuses pour les cabrioles, et c'était mon tour. A chaque fois que j'entrais en scène je regardais en haut, derrière le jet de lumière qui aspergeait la piste. J'entrevoyais Lulu qui dansait sur le trapèze, vêtue de son bikini argenté avec très peu de choses autour. Je la fixais quelques instants et la trouvais toujours plus belle. Mon trac disparaissait et j'effectuais mes premiers pas sur la piste en poussant une petite carriole qui contenait mon violon. Alors avait lieu le même événement magique qui se reproduisait à chaque représentation. Je saisissais mon petit violon, fixais le public dans les yeux et à ce moment là, le monde basculait. D'un coup. Je perdais mon corps, j'étais dans l'azur. En apparence, je continuais à faire le clown j'étais bien là sur scène, mais c'était un être là qui s'agrandissait, englobait tous les spectateurs, la campagne aux alentours et la ville aussi. Je me dilatais en moi - même, pour ainsi dire, et c'était le regard du public qui provoquait cet état de transformation et me rendait léger comme un oiseau. Je sentais une immense fatigue comme un état d'ivresse, mes poumons se gonflaient d'or et je voguais sans résistance, comme une plume sur une mer d'argent. Le voyage durait le temps du numéro et se terminait, mathématiquement au moment de la conclusion du sketch, juste pour recevoir des applaudissements qui m'indifféraient car où était l'artiste? Sur scène ou parmi le public? Qui était qui? En touchant le sol, pourtant, je sentais que la vie quotidienne reprenait son visage acerbe, avec ses demi-sourires et son dos voûté. Quitter la scène représentait pour moi, une grande souffrance. Vivre l'état divin n'était possible que sur la piste ronde.
" Les artistes sont des anges déchus " m'expliqua un jour Joe le groom qui lavait les chevaux et leur faisait une mise en pli. Mais je sentais que mes chromosomes avaient bu un coup de trop, que les molécules de mon cerveau s'étaient entortillées les busters à ma naissance. Pourquoi ne pouvais-je retrouver, en buvant mon café le matin, ce même sentiment de liberté?
" Pourquoi veux tu voler, tu es complètement fou ! " me dit